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branche, les coucous dont on fait des pelotes jaunes, et les ruisseaux qui chantent sur les cailloux blonds, et les beaux gars au teint pourpré par le soleil, comme les raisins des très anciennes vignes, les beaux gars aux membres robustes, aux poitrines puissantes, tout cela me fait rêver des rêves gentils… En pensant à ces choses, je redeviens presque petite fille, avec des innocences, des candeurs qui m’inondent l’âme, qui me rafraîchissent le cœur, comme une petite pluie la petite fleur trop brûlée par le soleil, trop desséchée par le vent… Et le soir, en attendant William dans mon lit, exaltée par tout cet avenir de joies pures, je composais des vers :

Petite fleur,
O toi, ma sœur,
Dont la senteur
Fait mon bonheur…

Et toi, ruisseau,
Lointain coteau,
Frêle arbrisseau,
Au bord de l’eau,

Que puis-je dire,
Dans mon délire ?
Je vous admire…
Et je soupire…

Amour, amour…
Amour d’un jour,
Et de toujours !…
Amour, amour !…