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William ricanait :

— Les fleurs ?… Ça n’est joli que sur les chapeaux et chez les modistes… Et les petits oiseaux ? Ah ! parlons-en… Ça vous empêche de dormir le matin. On dirait des enfants qui braillent !… Ah ! non… ah ! non… J’en ai plein le dos, de la campagne… La campagne, ça n’est bon que pour les paysans…

Et se redressant, d’un geste noble, avec une voix fière, il concluait :

— Moi, il me faut du sport… Je ne suis pas un paysan, moi… je suis un sportsman…

J’étais heureuse, pourtant, et j’attendais le mois de juin avec impatience. Ah ! les marguerites dans les prés, les petits sentiers, sous les feuilles qui tremblent… les nids cachés dans les touffes de lierre, aux flancs des vieux murs… Et les rossignols dans les nuits de lune… et les causeries douces, la main dans la main, sur les margelles des puits, garnis de chèvrefeuilles, tapissés de capillaires et de mousses !… Et les jattes de lait fumant… et les grands chapeaux de paille… et les petits poussins… et les messes entendues dans les églises de village, au clocher branlant, et tout cela, qui vous émeut et vous charme et vous prend le cœur, comme une de ces jolies romances qu’on chante au café-concert !…

Quoique j’aime à rigoler, je suis une nature poétique. Les vieux bergers, les foins qu’on fane, les oiseaux qui se poursuivent de branche en