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d’ailleurs timides, il répond par des mots brefs, hargneux. Jamais il ne dit : « Monsieur le baron ». C’est le baron, au contraire, qui serait tenté de dire : « Monsieur le cocher ! » Dans la crainte d’irriter Edgar, il ne reste pas longtemps, et se retire discrètement.

La revue des écuries, des remises, des selleries terminée, ses ordres donnés sur un ton de commandement militaire, Edgar remonte en son automobile et file rapidement vers les Champs-Élysées où il fait d’abord une courte station, en un petit bar, parmi des gens de courses, des tipsters au museau de fouine, qui lui coulent dans l’oreille des mots mystérieux et lui montrent des dépêches confidentielles. Le reste de la matinée est consacré en visites chez les fournisseurs, pour les commandes à renouveler, les commissions à toucher, et chez les marchands de chevaux où s’engagent des colloques dans le genre de celui-ci :

— Eh bien, master Edgar ?

— Eh bien, master Poolny ?

— J’ai acheteur pour l’attelage bai du baron.

— Il n’est pas à vendre…

— Cinquante livres pour vous…

— Non.

— Cent livres, master Edgar.

— On verra, master Poolny…

— Ce n’est pas tout, master Edgar.

— Quoi encore, master Poolny ?