Page:Mirbeau - Le Journal d’une femme de chambre.djvu/461

Cette page a été validée par deux contributeurs.

William fut scandalisé de cette idée… et il affirma, avec hauteur :

— Ah ! ça !… est-ce que tu t’imagines qu’Edgar voudrait dîner avec de simples domestiques ?

C’est d’Edgar que William tenait cette méthode incomparable de lustrer ses chapeaux… Une fois, aux courses d’Auteuil, Edgar fut abordé par le jeune marquis de Plérin.

— Voyons, Edgar, supplia le marquis… comment obtenez-vous vos chapeaux ?…

— Mes chapeaux, monsieur le marquis ?… répondit Edgar, flatté, car le jeune Plérin, voleur aux courses et tricheur au jeu, était alors une des personnalités les plus fameuses du monde parisien… C’est très simple… seulement, c’est comme le gagnant, il faut le savoir… Eh bien, voici… Tous les matins, je fais courir mon valet de chambre pendant un quart d’heure… Il sue, n’est-ce pas ?… Et la sueur, ça contient de l’huile… Alors, avec un foulard de soie très fine, il recueille la sueur de son front, et il lustre mes chapeaux avec… Ensuite, le coup de fer… Mais il faut un homme propre et sain… de préférence un châtain… car les blonds sentent fort quelquefois… et toutes les sueurs ne conviennent pas… L’année dernière, j’ai donné la recette au prince de Galles…

Et, comme le jeune marquis de Plérin remerciait Edgar, lui serrait la main à la dérobée, celui-ci ajouta confidentiellement :