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Naturellement, je ne voulus rien changer aux habitudes de la maison, dans le service. William faisait le ménage, à la va comme je te pousse. Un coup de balai par-ci, de plumeau par-là… ça y était. Le reste du temps, il bavardait, fouillait les tiroirs, les armoires, lisait les lettres qui, d’ailleurs, traînaient de tous les côtés et dans tous les coins. Je fis comme lui. Je laissai s’accumuler la poussière sur et sous les meubles, et je me gardai bien de rien toucher au désordre des salons et des chambres. À la place des maîtres, moi, j’aurais eu honte de vivre dans un intérieur pareillement torchonné. Mais ils ne savaient pas commander, et, timides, redoutant les scènes, ils n’osaient jamais rien dire. Si, parfois, à la suite d’un manquement trop visible ou trop gênant, ils se hasardaient jusqu’à balbutier : « Il me semble que vous n’avez pas fait ceci ou cela », nous n’avions qu’à répondre sur un ton où la fermeté n’excluait pas l’insolence : « Je demande bien pardon à Madame… Madame se trompe… Et si Madame n’est pas contente… » Alors, ils n’insistaient plus et tout était dit… Jamais je n’ai rencontré, dans ma vie, des maîtres ayant moins d’autorité sur leurs domestiques, et plus godiches !… Vrai, on n’est pas serins, comme ils l’étaient…

Il faut rendre à William cette justice qu’il avait su mettre les choses sur un bon pied dans la boîte. William avait une passion, commune à beaucoup de gens de service : les courses. Il con-