Page:Mirbeau - Le Journal d’une femme de chambre.djvu/449

Cette page a été validée par deux contributeurs.

a le droit de pénétrer… Elle ne veut pas de moi… La maladie de Madame, c’est du bon temps pour Monsieur… Monsieur en profite… Il ne quitte plus la cuisine… Tantôt, je l’ai surpris qui en sortait, la face très rouge, la culotte encore toute déboutonnée. Ah ! je voudrais bien les voir, Marianne et lui… Cela doit vous dégoûter de l’amour pour jamais…

Le capitaine Mauger qui ne me parle plus et me lance, derrière la haie, des regards furieux, s’est remis avec sa famille, du moins avec l’une de ses nièces, qui est venue s’installer chez lui… Elle n’est pas mal : une grande blonde, avec un nez trop long, mais fraîche et bien faite… Au dire des gens, c’est elle qui tiendra la maison et qui remplacera Rose dans le lit du capitaine. De cette façon, les saletés ne sortiront plus de la famille.

Quant à Mme Gouin, la mort de Rose aurait pu être un coup pour ses matinées du dimanche. Elle a compris qu’elle ne pouvait pas rester sans un grand premier rôle. Maintenant, c’est cette peste de mercière qui mène le branle des potins et qui se charge d’entretenir les filles du Mesnil-Roy dans l’admiration et dans la propagande des talents clandestins de cette infâme épicière. Hier dimanche, je suis allée chez elle. C’était fort brillant… toutes étaient là. On y a très peu parlé de Rose, et quand j’ai raconté l’histoire des testaments, ç’a été un éclat de rire général. Ah ! le