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Vers le soir, tard, j’entendis qu’on frappait à ma porte. Je m’étais allongée, sur le lit, à moitié nue, stupéfiée par la boisson.

— Qui est là ? criai-je.

— C’est moi…

— Qui toi ?

— Le garçon…

Je me levai, les seins hors la chemise, les cheveux défaits et tombant sur mon épaule, et j’ouvris la porte :

— Que veux-tu ?…

Le garçon sourit… C’était un grand gaillard, à cheveux roux, que j’avais plusieurs fois rencontré dans les escaliers… et qui me regardait toujours, avec d’étranges regards.

— Que veux-tu ? répétai-je…

Le garçon sourit encore, embarrassé, et, roulant entre ses gros doigts le bas de son tablier bleu, taché de plaques d’huile, il bégaya :

— Mam’zelle… je…

Il considérait d’un air de morne désir, mes seins, mon ventre presque nu, ma chemise que la courbe des hanches arrêtait…

— Allons, entre… espèce de brute… criai-je tout à coup.

Et, le poussant dans ma chambre, je refermai la porte, violemment, sur nous deux…

Oh ! misère de moi… On nous retrouva, le lendemain, ivres et vautrés sur le lit… dans quel état, mon Dieu !…