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après m’avoir examinée d’une façon un peu gênante, elle me dit :

— Mademoiselle Célestine… j’ai une bonne… très bonne place pour vous… Seulement, il faudrait aller en province… oh ! pas très loin…

— En province ?… Je n’y cours pas, vous savez…

La placeuse insista :

— On ne connaît pas la province… il y a d’excellentes places, en province…

— Oh ! d’excellentes places… En voilà une blague ! rectifiai-je… D’abord il n’y a pas de bonnes places, nulle part…

Mme Paulhat sourit, aimable et minaudière. Jamais je ne l’avais vue sourire ainsi :

— Je vous demande pardon, mademoiselle Célestine… Il n’y a pas de mauvaises places…

— Parbleu ! je le sais bien… il n’y a que de mauvais maîtres…

— Non… que de mauvais domestiques… Voyons… Je vous donne des maisons, tout ce qu’il y a de meillieur, ce n’est pas de ma faute si vous n’y restez point…

Elle me regarda avec presque de l’amitié :

— D’autant que vous êtes très intelligente… Vous représentez… vous avez une jolie figure… une jolie taille… des mains charmantes, pas du tout abîmées par le travail… des yeux qui ne sont pas dans vos poches… Il pourrait vous arriver des choses heureuses… On ne sait pas toutes les