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— Mon Dieu ! cria-t-elle… mais qu’est-ce que vous avez ?… Pourquoi sentez-vous mauvais, comme ça ?… vous avez donc de la pourriture dans le corps ?… C’est affreux !… c’est à ne pas croire… Jamais quelqu’un n’a senti, comme vous sentez… Vous avez donc un cancer dans le nez… dans l’estomac, peut-être ?…

Mme Paulhat-Durand fit un geste noble :

— Je vous avais prévenue, Madame… dit-elle… Voilà son grand défaut… C’est ce qui l’empêche de trouver une place.

La vieille continua de gémir…

— Mon Dieu !… mon Dieu !… Est-ce possible ?… Mais vous allez empester toute ma maison… vous ne pourrez pas rester près de moi… Ah ! mais !… cela change nos conditions… Et moi qui avais, déjà, de la sympathie pour vous !… Non, non… malgré toute ma bonté, ce n’est pas possible… ce n’est plus possible !…

Elle avait tiré son mouchoir, chassait loin d’elle l’air putride, répétant :

— Non, vraiment, ce n’est plus possible !…

— Allons, Madame, intervint Mme Paulhat-Durand… faites un effort… Je suis sûre que cette malheureuse fille vous en sera toujours reconnaissante…

— Reconnaissante ?… c’est fort bien… Mais ce n’est pas la reconnaissance qui la guérira de cette infirmité effroyable… Enfin… soit !… Par exemple, je ne puis plus lui donner que dix francs…