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j’ai des clients très chic, principalement les ambassadeurs… qui ont des manies… Dame ! à leur âge et avec leur argent, n’est-ce pas ?… Ce qu’ils préfèrent, ce qu’ils me demandent le plus, c’est des femmes de chambre, des soubrettes… une robe noire très collante… un tablier blanc… un petit bonnet de linge fin… Par exemple, des dessous riches… ça oui… Mais écoutez bien… Signez-moi un engagement de trois mois… et je vous donne un trousseau d’amour, tout ce qu’il y a de mieux, et comme les soubrettes du Théâtre-Français n’en ont jamais eu… ça, je vous en réponds…

Je demandai à réfléchir…

— Eh bien, c’est ça !… réfléchissez… conseilla cette marchande de viande humaine. Je vais toujours vous laisser mon adresse… Quand le cœur vous dira… eh bien, vous n’aurez qu’à venir… Ah ! je suis bien tranquille !… Et, dès demain, je vais vous annoncer au Président de la République…

Nous avions fini de boire. La vieille régla les deux verres, tira d’un petit portefeuille noir une carte qu’elle me remit, en cachette, dans la main. Lorsqu’elle fut partie, je regardai la carte et je lus :

Madame Rebecca Ranvet

Modes.

J’assistai chez Mme Paulhat-Durand à des scènes extraordinaires. Ne pouvant malheureuse-