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moi des yeux profonds… et encore méfiants… et pourtant plus tendres :

— Ça n’est pas ça, Célestine… dit-il lentement… ne s’agit pas de ça… Je ne vous empêche pas de réfléchir, moi… Parbleu !… réfléchissez… Nous avons le temps… et j’en recauserons, à mon retour… Mais ce que je n’aime pas, voyez-vous… c’est qu’on soit trop curieuse… Il y a des choses qui ne regardent pas les femmes… il y a des choses…

Et il achève sa phrase dans un hochement de tête…

Après un moment de silence :

— Je n’ai pas autre chose dans la tête, Célestine… Je rêve de vous… j’ai les sangs tournés de vous… Aussi vrai que le bon Dieu existe, ce que j’ai dit une fois… je le dis toujours… J’en recauserons… Mais ne faut pas être curieuse… Vous, vous faites ce que vous faites… moi, je fais ce que je fais… Comme ça, il n’y a pas d’erreur, ni de surprise…

S’approchant de moi, il me saisit les mains :

— J’ai la tête dure, Célestine… ça, oui !… Mais ce qui est dedans, y est bien… On ne peut plus l’en retirer, après… Je rêve de vous, Célestine… de vous… dans le petit café…

Les manches de sa chemise sont retroussées, en bourrelets, jusqu’à la saignée : les muscles de ses bras, énormes, souples, huilés comme des bielles, faits pour toutes les étreintes, fonctionnent puis-