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t-il mes imprudences, mes éternelles questions ?… Je lui demande, un peu tremblante :

— Est-ce que cela ne vous fera pas de la peine, à vous aussi, Joseph… de ne plus nous voir ?…

Sans s’arrêter de marcher, sans me regarder même de ce regard oblique et de coin qu’il a souvent :

— Bien sûr… dit-il… Qu’est-ce que vous voulez ?… On ne peut pas obliger les gens à faire ce qu’ils refusent de faire… Ça plaît, ou ça ne plaît pas…

— Qu’est-ce que j’ai refusé de faire, Joseph ?…

— Et puis, vous avez toujours de mauvaises idées sur moi… continue-t-il, sans répondre à ma question.

— Moi ?… Pourquoi me dites-vous cela ?…

— Parce que…

— Non, non, Joseph… c’est vous qui ne m’aimez plus… c’est vous qui avez autre chose dans la tête, maintenant… Je n’ai rien refusé, moi… j’ai réfléchi, voilà tout… C’est assez naturel, voyons… On ne s’engage pas pour la vie, sans réfléchir… Vous devriez me savoir gré, au contraire, de mes hésitations… Elles prouvent que je ne suis pas une évaporée… que je suis une femme sérieuse…

— Vous êtes une bonne femme, Célestine… une femme d’ordre…

— Eh bien, alors ?…

Joseph s’arrête enfin de marcher et, fixant sur