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voyez-vous d’ici — en apprenant que ma petite fortune… pan… je la léguais à l’Académie française… Car, ma chère demoiselle Célestine… c’est vrai… ma fortune, je la léguais à l’Académie française… Ça, c’est une idée…

Je laisse son rire se calmer, et, gravement, je lui demande :

— Et maintenant, capitaine, qu’allez-vous faire ?

Le capitaine me regarde longuement, me regarde malicieusement, me regarde amoureusement… et il dit :

— Eh bien, voilà ?… Ça dépend de vous…

— De moi ?…

— Oui, de vous, de vous seule.

— Et comment ça ?…

Un petit silence encore, durant lequel, le mollet tendu, la taille redressée, la barbiche tordue et pointante, il cherche à m’envelopper d’un fluide séducteur.

— Allons… fait-il, tout d’un coup… allons droit au but… Parlons carrément… en soldat… Voulez-vous prendre la place de Rose ?… Elle est à vous…

J’attendais l’attaque. Je l’avais vue venir du plus lointain de ses yeux… Elle ne me surprend pas… Je lui oppose un visage sérieux, impassible.

— Et les testaments, capitaine ?

— Je les déchire, nom de Dieu !