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aller aux obsèques. Je n’en avais, d’ailleurs, nulle envie. Je n’aimais pas cette grosse femme si méchante ; sa mort me laisse indifférente et très calme. Pourtant, Rose me manquera peut-être, et, peut-être, regretterai-je sa présence dans le chemin, quelquefois ?… Mais quel potin cela doit faire chez l’épicière !…


J’étais curieuse de connaître les impressions du capitaine sur cette mort si brusque. Et, comme mes maîtres étaient en visite, je me suis promenée, l’après-midi, le long de la haie. Le jardin du capitaine est triste et désert… Une bêche plantée dans la terre indique le travail abandonné. « Le capitaine ne viendra pas dans le jardin, me disais-je. Il pleure, sans doute, affaissé dans sa chambre, parmi des souvenirs »… Et, tout à coup, je l’aperçois. Il n’a plus sa belle redingote de cérémonie, il a réendossé ses habits de travail, et, coiffé de son antique bonnet de police, il charrie du fumier sur les pelouses avec acharnement… Je l’entends même qui trompette à voix basse un air de marche. Il abandonne sa brouette et vient à moi, sa fourche sur l’épaule.

— Je suis content de vous voir, mademoiselle Célestine… me dit-il.

Je voudrais le consoler ou le plaindre… Je cherche des mots, des phrases… Mais allez donc trouver une parole émue devant un aussi drôle de visage… Je me contente de répéter :