Page:Mirbeau - Le Journal d’une femme de chambre.djvu/356

Cette page a été validée par deux contributeurs.

— Allons… dites-le !

— Un bidon de pétrole allumé sous leur lit… Le v’là, mon cadeau…

C’était chouettement répondre. Du reste, ce Baptiste était un homme épatant dans la politique.

— Et le vôtre, Célestine ?… me demanda-t-il à son tour.

— Moi ?

Je crispai mes deux mains en forme de serres, et faisant le geste de griffer, férocement, un visage.

— Mes ongles… dans ses yeux ! répondis-je.

Le maître d’hôtel à qui on ne demandait rien et qui, de ses doigts méticuleux, arrangeait des fleurs et des fruits dans une coupe de cristal, dit sur un ton tranquille :

— Moi, je me contenterais de leur asperger la gueule, à l’église, avec un flacon de bon vitriol…

Et il piqua une rose entre deux poires.

Ah oui ! les aimer !… Ce qui est extraordinaire, c’est que ces vengeances-là n’arrivent pas plus souvent. Quand je pense qu’une cuisinière, par exemple, tient, chaque jour, dans ses mains, la vie de ses maîtres… une pincée d’arsenic à la place de sel… un petit filet de strychnine au lieu de vinaigre… et ça y est !… Eh bien, non… Faut-il que nous ayons, tout de même, la servitude dans le sang !…

Je n’ai pas d’instruction et j’écris ce que je