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Pourvu que Madame ne vous oblige pas à le changer… elle a cette manie…

J’ai répondu, digne et soumise :

— Je suis à la disposition de Madame…

— Sans doute… sans doute… Mais c’est un joli nom…

J’ai manqué éclater de rire… Monsieur s’est mis à marcher dans la salle, puis, tout d’un coup, il s’est assis sur une chaise, il a allongé ses jambes et, mettant dans son regard comme une excuse, dans sa voix, comme une prière, il m’a demandé :

— Eh bien, Célestine… car moi, je vous appellerai toujours Célestine… voulez-vous m’aider à retirer mes bottes ?… Ça ne vous ennuie pas, au moins ?

— Certainement, non, Monsieur…

— Parce que, voyez-vous… ces sacrées bottes… elles sont très difficiles… elles glissent mal…

Dans un mouvement que j’essayai de rendre harmonieux et souple, et même provocant, je me suis agenouillée en face de lui. Et pendant que je l’aidais à retirer ses bottes, qui étaient mouillées et couvertes de boue, j’ai parfaitement senti que son nez s’excitait aux parfums de ma nuque, que ses yeux suivaient, avec un intérêt grandissant, les contours de mon corsage et tout ce qui se révélait de moi, à travers la robe… Tout à coup, il murmure :

— Sapristi ! Célestine… Vous sentez rudement bon…