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jardin, bêchaient la terre, comme des terrassiers… Moi, je fus mise tout de suite à la couture, ayant, disait la sœur Boniface, les doigts souples et l’air distingué… Je commençai par ravauder les culottes de l’aumônier et les caleçons d’une espèce de capucin qui, dans le moment, prêchait une retraite à la chapelle… Ah ! ces culottes !… Ah ! ces caleçons !… Pour sûr qu’ils ne ressemblaient pas à ceux de M. Xavier… Ensuite, l’on me confia des besognes moins ecclésiastiques, tout à fait profanes, des ouvrages de fine et délicate lingerie, par quoi je me retrouvai dans mon élément… Je participai à la confection d’élégants trousseaux de mariage, de riches layettes, commandés aux bonnes sœurs par des dames charitables et riches qui s’intéressaient à l’établissement.

Tout d’abord, après tant de secousses, malgré la mauvaise nourriture, les culottes de l’aumônier, le peu de liberté, malgré tout ce que je pouvais deviner d’exploitation âpre, je goûtai une réelle douceur dans ce calme, dans ce silence… Je ne raisonnais pas trop… Un besoin de prier était en moi. Le remords, ou plutôt la lassitude de ma conduite passée m’incitait aux fervents repentirs… Plusieurs fois de suite, je me confessai à l’aumônier, celui-là même dont j’avais raccommodé les sales culottes, ce qui faisait naître en moi, tout de même, en dépit de ma sincère piété, des pensées irrévérencieuses et folâtres… C’était un drôle de bonhomme que cet aumônier, tout