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nious… et, sur la lande, au bord des grèves, des déroulées lentes de foules en fête… Ding… din… dong !… Ça n’est pas très gai… ça n’est pas la même chose que la gaîté, c’est même triste au fond, triste comme de l’amour… Mais j’aime ça… À Paris, on n’entend jamais que la corne du fontainier et l’assourdissante trompette des tramways.

Chez les sœurs de Notre-Dame des Trente-six-Douleurs, on est logée dans des galetas de dortoirs, sous les combles ; on est nourrie maigrement de viandes de rebut, de légumes gâtés, et l’on paie vingt-cinq sous par jour à l’Institution. C’est-à-dire qu’elles retiennent, quand elles vous ont placée, ces vingt-cinq sous sur vos gages… Elles appellent ça vous placer pour rien. En outre, il faut travailler, depuis six heures du matin jusqu’à neuf heures du soir, comme les détenues des maisons centrales… Jamais de sorties… Les repas et les exercices religieux remplacent les récréations… Ah ! elles ne s’embêtent pas, les bonnes sœurs, comme dirait M. Xavier… et leur charité est un fameux truc… Elles vous posent un lapin, quoi !… Mais voilà… je serai bête toute ma vie… Les dures leçons de choses, les malheurs ne m’apprennent jamais rien, ne me servent de rien… J’ai l’air comme ça de crier, de faire le diable et, finalement, je suis toujours roulée par tout le monde.

Plusieurs fois, des camarades m’avaient parlé des sœurs de Notre-Dame des Trente-six-Douleurs :