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Xavier… Comment se fait-il qu’on ne vous voie jamais aux dîners de Madame ?

— Tu ne voudrais pas, mon chou… Ah ! non, tu sais… ils me rasent les dîners de Madame.

— Et comment se fait-il, insistai-je, que votre chambre soit la seule pièce de la maison où il n’y ait pas de portrait du pape ?

Cette observation le flatta… Il répondit :

— Mais, mon petit bébé, je suis anarchiste, moi… La religion… les jésuites… les curés… Ah ! non… je les ai assez vus… J’en ai soupé… Une société composée de gens comme papa et comme maman ?… Ah ! tu sais… N’en faut plus !…

Maintenant, je me sentais à l’aise avec M. Xavier… en qui je retrouvais, avec les mêmes vices, l’accent traînant des voyous de Paris… Il me semblait que je le connaissais depuis des années et des années. À son tour, il m’interrogea :

— Dis-moi ?… Est-ce que tu marches avec papa… ?

— Votre père… m’écriai-je… simulant d’être scandalisée… Ah ! monsieur Xavier… un si saint homme !

Son rire redoubla, éclata tout à fait :

— Papa !… ah ! papa !… Mais il couche avec toutes les bonnes, ici, papa… C’est sa toquade, les bonnes. Il n’y a plus que les bonnes qui l’excitent. Alors, tu n’as pas encore marché avec papa ?… Tu m’épates…

— Ah ! non, répliquai-je… riant, moi aussi…