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drait de poudre de riz. Et, durant ces opérations, elle répétait :

— Voyez-vous, Mary… il faut qu’une femme soit bien tenue… qu’elle ait la peau blanche et douce. Vous avez une jolie figure, il faut savoir l’entourer… Vous avez un très beau buste… il faut le faire valoir… Vos jambes sont superbes… il faut pouvoir les montrer… C’est plus convenable…

J’étais contente. Pourtant, au fond de moi, une inquiétude, d’obscurs soupçons demeuraient. Je ne pouvais oublier les histoires surprenantes que l’on me racontait à l’office. Quand j’y faisais l’éloge de Madame et que j’énumérais ses bontés pour moi…

— Oui… oui… disait la cuisinière, allez toujours… C’est la fin qu’il faut voir. Ce qu’elle veut, c’est que vous couchiez avec son fils… pour que ça le retienne davantage, à la maison… et que ça leur coûte moins d’argent, à ces grigous… Elle a déjà essayé avec d’autres, allez !… Elle a même attiré des amies chez elle… des femmes mariées… des jeunes filles… oui, des jeunes filles… la salope !… Seulement, M. Xavier n’y coupe pas… il aime mieux les cocottes, cet enfant… vous verrez… vous verrez…

Et, elle ajoutait, avec une sorte de regret haineux :

— Moi, à votre place… ce que je les ferais casquer !… Je me gênerais, peut-être.