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des maîtres dont on parle dans les journaux.

Toutes les semaines, Monsieur donnait un grand dîner suivi d’une grande réception, où venaient des célébrités de toute sorte, des académiciens, des sénateurs réactionnaires, des députés catholiques, des curés protestataires, des moines intrigants, des archevêques… Il y en avait un, surtout, qu’on soignait d’une façon spéciale, un très vieil assomptionniste, le père je ne sais qui, bonhomme papelard et venimeux qui disait toujours des méchancetés, avec des airs contrits et dévots. Et, partout, dans chaque pièce, il y avait des portraits du pape… Ah ! il a dû en voir de raides, dans cette maison, le Saint-Père.

Moi, il ne me revenait pas Monsieur. Il faisait trop de choses, il aimait trop de gens. Encore ignorait-on la moitié des choses qu’il faisait et des gens qu’il aimait. Sûrement, c’était un vieux farceur.

Le lendemain de mon arrivée, comme je l’aidais dans l’antichambre à endosser son pardessus :

— Est-ce que vous êtes de ma Société, me demanda-t-il, la Société des Servantes de Jésus ?…

— Non, Monsieur…

— Il faut en être… c’est indispensable… Je vais vous inscrire…

— Merci, Monsieur… Puis-je demander à Monsieur ce que c’est que cette Société ?