Page:Mirbeau - Le Journal d’une femme de chambre.djvu/32

Cette page a été validée par deux contributeurs.

les quatre cent dix-neuf coups, avec leur valet de chambre ou leur cocher…

Par exemple, bien que Madame se force pour être aimable, elle n’est sûrement pas à la coule, comme des fois j’en ai vu… Je la crois très méchante, très moucharde, très ronchonneuse ; un sale caractère et un méchant cœur… Elle doit être, sans cesse, sur le dos des gens, à les asticoter de toutes les manières… Et des « savez-vous faire ceci ? »… Et des « savez-vous faire cela ? » Ou bien encore : « Êtes-vous casseuse ?… Êtes-vous soigneuse ?… Avez-vous beaucoup de mémoire ? Avez-vous beaucoup d’ordre ? » Ça n’en finit pas… Et aussi : « Êtes-vous très propre ?… Moi, je suis exigeante sur la propreté… je passe sur bien des choses… mais sur la propreté, je suis intraitable… » Est-ce qu’elle me prend pour une fille de ferme, une paysanne, une bonne de province ?… La propreté ?… Ah ! je la connais, cette rengaine. Elles disent toutes ça… et, souvent, quand on va au fond des choses, quand on retourne leurs jupes et qu’on fouille dans leur linge… ce qu’elles sont sales !… Quelquefois à vous soulever le cœur de dégoût…

Aussi, je me méfie de la propreté de Madame… Lorsqu’elle m’a montré son cabinet de toilette, je n’y ai remarqué ni petit meuble, ni baignoire, ni rien de ce qu’il faut à une femme soignée et qui la pratique dans les coins… Et ce que c’est sommaire, là-dedans, en fait de bibelots, de