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— Je ne sais pas ce que Madame veut dire par convenable…

— Montrez-moi votre linge… allez me chercher votre linge… Et marchez un peu… encore… revenez… retournez… Elle marche bien… elle a du chic…

Dès qu’elle vit mon linge, elle fit une grimace :

— Oh ! cette toile… ces bas… ces chemises… quelle horreur !… Et ce corset !… Je ne veux pas voir ça chez moi… Je ne veux pas que vous portiez ça chez moi… Tenez, Mary… aidez-moi…

Elle ouvrit une armoire de laque rose, tira un grand tiroir qui était plein de chiffons odorants, et dont elle vida le contenu, pêle-mêle, sur le tapis.

— Prenez ça, Mary… prenez tout ça… Vous verrez, il y a des points à refaire, des arrangements, de petits raccommodages… Vous les ferez… Prenez tout ça… il y a un peu de tout… il y a de quoi vous monter une jolie garde-robe, un trousseau convenable… Prenez tout ça…

Il y avait de tout, en effet… des corsets de soie, des bas de soie, des chemises de soie et de fine batiste, des amours de pantalons, de délicieuses gorgerettes… des jupons fanfreluchés… Une odeur forte, une odeur de peau d’Espagne, de frangipane, de femme soignée, une odeur d’amour enfin se levait de ces chiffons amoncelés dont les couleurs tendres, effacées ou violentes chatoyaient sur le tapis comme une corbeille de