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c’est tout de même flatteur d’entendre un homme comme ça…

Et ils enviaient, pour leur député qui ne soufflait jamais un mot, la « sacrée platine » qu’avait M. le Doyen. Son intervention dans les affaires communales, brouillonne et bruyante, gênait parfois le maire, irritait souvent les autres autorités, mais M. le Doyen avait toujours le dernier mot, à cause de cette « sacrée platine », qui rivait son clou à tout le monde. Une de ses manies était qu’on n’instruisît pas assez les enfants.

— Qu’est-ce qu’on leur apprend à l’école ?… On ne leur apprend rien… Quand on les interroge sur des questions capitales… c’est une vraie pitié… ils ne savent jamais quoi répondre…

De ce fâcheux état d’ignorance, il s’en prenait à Voltaire, à la Révolution française… au gouvernement, aux dreyfusards, non point au prône ni en public, mais seulement devant des amis sûrs, car, tout sectaire et intransigeant qu’il fût, M. le Doyen tenait à son traitement. Aussi, le mardi et le jeudi, avait-il accoutumé de réunir dans la cour de son presbytère le plus d’enfants qu’il pouvait, et là, durant deux heures, il les initiait à des connaissances extraordinaires et comblait de surprenantes pédagogies les lacunes de l’éducation laïque.

— Voyons… mes enfants… quelqu’un de vous sait-il, seulement où se trouvait jadis, le Paradis