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plus longtemps… Il a reçu de Cherbourg la nouvelle que la semaine prochaine doit avoir lieu la vente du petit café… Mais je suis inquiète, troublée… Je voudrais et je ne voudrais pas… Un jour cela me plaît, et, le lendemain, cela ne me plaît plus… Je crois surtout que j’ai peur… que Joseph ne veuille m’entraîner à des choses trop terribles… Je ne puis me résoudre à prendre un parti… Il ne me brutalise pas, me donne des arguments, me tente par des promesses de liberté, de belles toilettes, de vie assurée, heureuse, triomphante.

— Faut pourtant que je l’achète, le petit café… me dit-il… Je ne peux pas laisser échapper une occasion pareille… Et si la révolution vient ?… Pensez donc, Célestine… c’est la fortune, tout de suite… et qui sait ?… La révolution, ah ! mettez-vous ça dans la tête… il n’y a pas mieux pour les cafés…

— Achetez-le toujours. Si ce n’est pas moi… ce sera une autre…

— Non… non, faut que ce soit vous… Il n’y en a pas d’autre que vous… J’ai les sangs tournés de vous… Mais vous vous méfiez de moi…

— Non, Joseph… je vous assure…

— Si… si… vous avez de mauvaises idées sur moi…

À ce moment, je ne sais, non en vérité je ne sais où j’ai pu trouver le courage de lui demander :