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à cette première impression. Parmi tant de bouches qui m’ont parlé, parmi tant de regards qui m’ont fouillé l’âme, je trouverai, peut-être, un jour — est-ce qu’on sait ? — la bouche amie… et le regard pitoyable… Il ne m’en coûte rien d’espérer…

Aussitôt arrivée, encore étourdie par quatre heures de chemin de fer en troisième classe, et sans qu’on ait, à la cuisine, seulement songé à m’offrir une tartine de pain, Madame m’a promenée, dans toute la maison, de la cave au grenier, pour me mettre immédiatement « au courant de la besogne ». Oh ! elle ne perd pas son temps, ni le mien… Ce que c’est grand cette maison ! Ce qu’il y en a, là-dedans, des affaires et des recoins !… Ah bien ! merci !… Pour la tenir en état, comme il faudrait, quatre domestiques n’y suffiraient pas… En plus du rez-de-chaussée, très important — car deux petits pavillons, en forme de terrasse s’y surajoutent et le continuent — elle se compose de deux étages que je devrai descendre et monter sans cesse, attendu que Madame, qui se tient dans un petit salon près de la salle à manger, a eu l’ingénieuse idée de placer la lingerie, où je dois travailler, sous les combles, à côté de nos chambres. Et des placards, et des armoires, et des tiroirs et des resserres, et des fouillis de toute sorte, en veux-tu, en voilà… Jamais, je ne me retrouverai dans tout cela…