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de Paris !… Maintenant, je vous connais bien…

— Puisque vous me connaissez si bien, Joseph, dites-moi donc ce que je suis…

La bouche serrée, l’œil grave, il prononça :

— Ce que vous êtes, Célestine ?… Vous êtes comme moi…

— Je suis comme vous, moi ?…

— Oh ! pas de visage, bien sûr… Mais, vous et moi, dans le fin fond de l’âme, c’est la même chose… Oui, oui, je sais ce que je dis…

Il y eut encore un moment de silence. Il reprit d’une voix moins dure :

— J’ai de l’amitié pour vous, Célestine… Et puis…

— Et puis ?…

— J’ai aussi de l’argent… un peu d’argent…

— Ah ?…

— Oui, un peu d’argent… Dame ! on n’a pas servi, pendant quarante ans, dans de bonnes maisons, sans faire quelques petites économies… Pas vrai ?

— Bien sûr… répondis-je, étonnée de plus en plus par les paroles et par les allures de Joseph… Et vous avez beaucoup d’argent ?

— Oh ! un peu… seulement…

— Combien ?… Faites voir !…

Joseph eut un léger ricanement :

— Vous pensez bien qu’il n’est pas ici… Il est dans un endroit où il fait des petits.

— Oui, mais combien ?…