Page:Mirbeau - Le Journal d’une femme de chambre.djvu/229

Cette page a été validée par deux contributeurs.

— Vous ne voulez rien dire… vous vous méfiez de moi… c’est votre affaire. Seulement, on sait ce qu’on sait…

Elle m’impatiente, à la fin… Je lui crie :

— Ah ! ça ! Est-ce que vous vous imaginez que je couche avec tout le monde… avec des vieux dégoûtants ?…

D’un ton froid, elle me répond :

— Hé ! ma petite, ne prenez pas la mouche. Il y a des vieux qui valent des jeunes… C’est vrai que vos affaires ne me regardent point… Ce que j’en dis, moi, n’est-ce pas ?…

Et elle conclut, d’une voix mauvaise, où le vinaigre a remplacé le miel :

— Après tout… ça se peut bien… Sans doute que votre M. Lanlaire aime mieux les fruits plus verts. Chacun son idée, ma petite…

Des paysans passent dans le chemin, et saluent mam’zelle Rose avec respect.

— Bonjour, mam’zelle Rose… Et le capitaine, il va toujours bien ?…

— Il va bien, merci… Il tire du vin, tenez…

Des bourgeois passent dans le chemin, et saluent mam’zelle Rose avec respect.

— Bonjour, mam’zelle Rose… Et le capitaine ?

— Toujours vaillant… Merci… Vous êtes bien honnêtes.

Le curé passe dans le chemin, d’un pas lent, dodelinant de la tête. À la vue de mam’zelle