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pouvais aussi prendre au collet votre Lanlaire et sa femelle ?… Ah ! les cochons !… Ah !… ah !… ah !… Ça, c’est une idée !…

Cette idée le fait se tordre un instant… Et, tout à coup, les yeux pétillants de malice sournoise, il me demande :

— Pourquoi que vous ne leur fourrez pas du poil à gratter, dans leur lit ?… Les saligauds !… Ah ! nom de Dieu, je vous en donnerais bien un paquet, moi !… Ça, c’est une idée !…

Puis :

— À propos… vous savez ?… Kléber ?… mon petit furet ?

— Oui… Eh bien ?

— Eh bien, je l’ai mangé… Heu !… heu !…

— Ça n’est pas très bon, dites ?…

— Heu !… c’est comme du mauvais lapin.

Ç’a été toute l’oraison funèbre du pauvre animal.

Le capitaine me raconte aussi que l’autre semaine, sous un tas de fagots, il a capturé un hérisson. Il est en train de l’apprivoiser… Il l’appelle Bourbaki… Ça, c’est une idée !… Une bête intelligente, farceuse, extraordinaire et qui mange de tout !…

— Ma foi oui !… s’exclame-t-il… Dans la même journée, ce sacré hérisson a mangé du beefsteack, du haricot de mouton, du lard salé, du fromage de gruyère, des confitures… Il est épatant… on ne peut pas le rassasier… il est comme moi… il mange de tout !…