Page:Mirbeau - Le Journal d’une femme de chambre.djvu/204

Cette page a été validée par deux contributeurs.

de tortures tout ce qu’en contient l’enfer…

Et celle d’aujourd’hui me la rappelle… La tempête souffle, comme elle soufflait là-bas, la nuit où je commençai sur cette pauvre chair mon œuvre de destruction… Et le hurlement du vent dans les arbres du jardin, il me semble que c’est le hurlement de la mer, sur la digue de l’à jamais maudite villa d’Houlgate.


De retour à Paris, après les obsèques de M. Georges, je ne voulus pas rester, malgré ses supplications multipliées, au service de la pauvre grand’mère… J’avais hâte de m’en aller… de ne plus revoir ce visage en larmes, de ne plus entendre ces sanglots qui me déchiraient le cœur… J’avais hâte surtout de m’arracher à sa reconnaissance, à ce besoin qu’elle avait, en sa détresse radotante, de me remercier sans cesse de mon dévoûment, de mon héroïsme, de m’appeler sa « fille… sa chère petite fille », de m’embrasser, avec de folles effusions de tendresse… Bien des fois, durant les quinze jours que je consentis, sur sa prière, à passer près d’elle, j’eus l’envie impérieuse de me confesser, de m’accuser, de lui dire tout ce que j’avais de trop pesant à l’âme et qui, souvent, m’étouffait… À quoi bon ?… Est-ce qu’elle en eût éprouvé un soulagement quelconque ?… C’eût été ajouter une affliction plus poignante à ses autres afflictions, et cette horrible pensée et ce remords inexpiable que, sans