Page:Mirbeau - Le Journal d’une femme de chambre.djvu/201

Cette page a été validée par deux contributeurs.

bouche ma bouche. Timidement, et sans résister, je suppliai :

— Pas ce soir, je vous en prie !… Soyez sage, ce soir…

Il ne m’écouta pas. D’une voix tremblante de désir et de mort, il répondit :

— Pas ce soir !… Tu répètes toujours la même chose… Pas ce soir !… Ai-je le temps d’attendre ?

Je m’écriai, secouée de sanglots :

— Ah ! monsieur Georges… vous voulez donc que je vous tue ?… vous voulez donc que j’aie toute ma vie le remords de vous avoir tué ?

Toute ma vie !… J’oubliais déjà que je voulais mourir avec lui, mourir de lui, mourir comme lui.

— Monsieur Georges… monsieur Georges !… Par pitié pour moi, je vous en conjure !

Mais ses lèvres étaient sur mes lèvres… La mort était sur mes lèvres…

— Tais-toi !… fit-il, haletant… Je ne t’ai jamais autant aimée que ce soir…

Et nos deux corps se confondirent… Et, le désir réveillé en moi, ce fut un supplice atroce dans la plus atroce des voluptés d’entendre, parmi les soupirs et les petits cris de Georges, d’entendre le bruit de ses os qui, sous moi, cliquetaient comme les ossements d’un squelette…

Tout à coup, ses bras me désenlacèrent et retombèrent, inertes, sur le lit ; ses lèvres se dérobèrent et abandonnèrent mes lèvres. Et de sa