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Laissez-moi… Vous allez vous rendre malade… Je vous en supplie !… laissez-moi…

Je n’osais pas me débattre à cause de sa faiblesse, par respect pour la fragilité de ses membres… J’essayai seulement — avec quelles précautions ! — d’éloigner sa main qui, gauche, timide, frissonnante, cherchait à dégrafer mon corsage, à palper mes seins… Et je répétais :

— Laissez-moi !… C’est très mal ce que vous faites-là, monsieur Georges… Laissez-moi…

Son effort pour me maintenir contre lui l’avait fatigué… L’étreinte de ses bras ne tarda pas à faiblir. Durant quelques secondes, il respira plus difficilement… puis une toux sèche lui secoua la poitrine…

— Ah ! vous voyez bien, monsieur Georges… lui dis-je, avec toute la douceur d’un reproche maternel… Vous vous rendez malade à plaisir… vous ne voulez rien écouter… et il va falloir tout recommencer… Vous serez bien avancé, après… Soyez sage, je vous en prie ! Et si vous étiez bien gentil, savez-vous ce que vous feriez ?… Vous vous coucheriez tout de suite…

Il retira sa main qui m’enlaçait, s’allongea sur la chaise longue, et, tandis que je replaçais sous sa tête les coussins qui avaient glissé, très triste, il soupira :

— Après tout… c’est juste… Je te demande pardon…

— Vous n’avez pas à me demander pardon,