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Et m’ayant enlacé la taille, chastement, il m’obligea de m’asseoir près de lui, sur la chaise longue… Et il me demanda :

— Est-ce que tu es mal ainsi ?

Je n’étais point rassurée. Il y avait dans ses yeux un feu plus ardent… Sa voix tremblait davantage… de ce tremblement que je connais — ah oui ! que je connais ! — ce tremblement que donne aux voix de tous les hommes, le désir violent d’aimer… J’étais très émue, très lâche… et la tête me tournait un peu… Mais, bien résolue à me défendre de lui, et surtout à le défendre énergiquement contre lui-même, je répondis d’un air gamin :

— Oui, monsieur Georges, je suis très mal. Laissez-moi me relever…

Son bras ne quittait pas ma taille.

— Non… non… je t’en prie !… Sois gentille…

Et sur un ton, dont je ne saurais rendre la douceur câline, il ajouta :

— Tu es toute craintive… Et de quoi donc as-tu peur ?

En même temps, il approcha son visage du mien… et je sentis son haleine chaude… qui m’apportait une odeur fade… quelque chose comme un encens de la mort…

Le cœur saisi par une inexprimable angoisse, je criai :

— Monsieur Georges ! Ah ! monsieur Georges !…