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qu’est la famille… expliquer comment, par un simple coup de baguette de cette miraculeuse fée : la bonté, il arriva, instantanément que c’en fut fini du souvenir de mes humiliations passées, et que je conçus tous les devoirs auxquels m’astreignait cette dignité d’être humain, enfin conférée, je ne le puis… Ce que je puis dire, c’est que, véritablement, je connus la magie de la transfiguration… Non seulement le miroir attesta que j’étais devenue subitement plus belle, mais mon cœur me cria que j’étais réellement meilleure… Je découvris en moi des sources, des sources, des sources… des sources intarissables, des sources sans cesse jaillissantes de dévouement, de sacrifice… d’héroïsme… et je n’eus plus qu’une pensée : sauver à force de soins intelligents, de fidélités attentives, d’ingéniosités merveilleuses, sauver M. Georges de la mort…

Avec une foi robuste dans ma puissance de guérison, je disais, je criais à la pauvre grand’mère, qui ne cessait de se désespérer et souvent, dans le salon voisin, passait ses journées à pleurer :

— Ne pleurez plus, Madame… Nous le sauverons… Je vous jure que nous le sauverons…

De fait, au bout de quinze jours, M. Georges se trouva beaucoup mieux. Un grand changement s’opérait dans son état… Les crises de toux diminuaient, s’espaçaient ; le sommeil et l’appétit se régularisaient… Il n’avait plus, la nuit, ces sueurs