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le corps, avec un gant de crin, pour activer la circulation… ensuite, il faudra l’obliger à boire un verre de vieux Porto… ensuite qu’il reste étendu, au moins une heure, dans un lit bien chaud… Ce que je voudrais de vous, mon enfant, c’est cela, d’abord… Mais comprenez-moi bien, c’est surtout de la jeunesse, de la gentillesse, de la gaîté, de la vie… Chez moi, c’est ce qui lui manque le plus… J’ai deux serviteurs très dévoués… mais ils sont vieux, tristes et maniaques… Georges ne peut les souffrir… Moi-même, avec ma vieille tête blanchie et mes constants habits de deuil, je sens que je l’afflige… Et ce qu’il y a de pire, je sens bien aussi que, souvent, je ne puis lui cacher mes appréhensions… Ah ! je sais que ce n’est peut-être pas le rôle d’une jeune fille, telle que vous, auprès d’un aussi jeune enfant, comme est Georges… car il n’a que dix-neuf ans, mon Dieu !… Le monde trouvera, sans doute, à y redire… Je ne m’occupe pas du monde… je ne m’occupe que de mon petit malade… et j’ai confiance en vous… Vous êtes une honnête femme, je suppose…

— Oh !… oui… Madame… m’écriai-je, certaine à l’avance d’être l’espèce de sainte que venait chercher la grand’mère désolée, pour le salut de son enfant.

— Et lui… le pauvre petit, grand Dieu !… Dans son état !… Dans son état, voyez-vous, plus que des bains de mer, peut-être, il a besoin de