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Comme elle était fort lourde et molle, Madame voulut bien m’aider et c’est à grand’peine que nous parvînmes à la remettre debout.

Miss s’était accrochée des deux mains au manteau de Madame, et elle disait à Madame :

— Je ne veux pas te quitter… je ne veux plus jamais te quitter. Je t’aime bien… Tu es mon bébé. Tu es belle…

— Miss, répliquait Madame en riant, vous êtes une vieille pocharde… Allez vous coucher.

— Non, non… je veux coucher avec toi… tu es belle… je t’aime bien… Je veux t’embrasser.

Se retenant d’une main au manteau, de l’autre main elle cherchait à caresser les seins de Madame, et sa bouche, sa vieille bouche s’avançait en baisers humides et bruyants…

— Cochonne, cochonne… tu es une petite cochonne… Je veux t’embrasser… Pou !… pou !… pou !…

Je pus enfin dégager Madame des étreintes de Miss, que j’entraînai hors de la chambre… Et ce fut sur moi que se tourna sa tendresse passionnée. Bien que chancelant sur ses jambes, elle voulait m’enlacer la taille, et sa main s’égarait sur moi plus hardiment que sur Madame, et à des endroits de mon corps plus précis… Il n’y avait pas d’erreur.

— Finissez donc, vieille sale !…

— Non ! non… toi aussi… tu es belle… je t’aime bien… viens avec moi… Pou !… pou !… pou !…