Page:Mirbeau - Le Journal d’une femme de chambre.djvu/155

Cette page a été validée par deux contributeurs.

fouillé ses tiroirs, cherché partout, en vain, elle dit à Mathilde :

— Vous n’avez pas vu un livre dans la chambre ?

— Quel livre, Madame ?

— Un livre jaune…

— Un livre de messe, sans doute ?

Elle regarda bien en face Madame, qui ne se déconcerta pas, et elle ajouta :

— Il me semble en effet que j’ai vu un livre jaune avec un fermoir doré sur la table, près du lit, dans la chambre de Madame…

— Eh bien ?

— Eh bien, je ne sais pas ce que Madame en a fait…

— L’avez-vous pris ?…

— Moi, Madame ?…

Et avec une insolence magnifique :

— Ah ! non… alors ! cria-t-elle… Madame ne voudrait pas que je lise de pareils livres !

Cette Mathilde, elle était épatante !… Et Madame n’insista plus.

Et tous les jours, à la lingerie, Mathilde disait :

— Attention !… Nous allons dire la messe…

Elle tirait de sa poche le petit livre jaune et nous en faisait la lecture, malgré les protestations de la gouvernante anglaise qui bêlait : « Taisez-vous… vous êtes de malhonnêtes filles » et qui, durant des minutes, l’œil agrandi sous les lunettes, s’écrasait le nez contre les images qu’elle