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et pendaient, en longues larmes figées, aux branches d’argent… Ah ! il leur en fallait des mic-macs à ceux-là ! Et je me demande ce qu’ils auraient bien pu inventer, s’ils n’avaient pas été mariés !…


Et ceci me rappelle notre fameux voyage en Belgique, l’année où nous allâmes passer quelques semaines à Ostende… À la station de Feignies, visite de la douane. C’était la nuit… et Monsieur très endormi… était resté dans son compartiment… Ce fut Madame qui se rendit, avec moi, dans la salle où l’on inspectait les bagages…

— Avez-vous quelque chose à déclarer ? nous demanda un gros douanier qui, à la vue de Madame, élégante et jolie, se douta bien qu’il aurait plaisir à manipuler d’agréables choses… Car il existe des douaniers, pour qui c’est une sorte de plaisir physique et presque un acte de possession, que de fourrer leurs gros doigts dans les pantalons et dans les chemises des belles dames.

— Non… répondit Madame… Je n’ai rien.

— Alors… ouvrez cette malle…

Parmi les six malles que nous emportions, il avait choisi la plus grande, la plus lourde, une malle en peau de truie, recouverte de son enveloppe de toile grise.

— Puisqu’il n’y a rien ! insista Madame irritée.

— Ouvrez tout de même… commanda ce malotru, que la résistance de ma maîtresse incitait