Page:Mirbeau - Le Journal d’une femme de chambre.djvu/114

Cette page a été validée par deux contributeurs.

Je ne suis pas une brute, moi… je… je… ne vous ferai pas d’enfant… Diable non !… Ça… je le jure !… Je… je… nous… nous…

— Un mot de plus, Monsieur, et, cette fois, je dis tout à Madame… Et si quelqu’un vous voyait, en cet état, dans le jardin ?

Il s’arrêta net… Navré, honteux, tout bête, il ne savait plus que faire de ses mains, de ses yeux, de toute sa personne… Et il regardait, sans les voir, le sol à ses pieds, le vieux poirier, le jardin… Vaincu enfin, il dénoua, au haut du tuteur, les brins de raphia, se pencha à nouveau sur les dahlias écroulés… et triste, infiniment, et suppliant, il gémit :

— Tout à l’heure, Célestine… je vous ai dit… je vous ai dit cela… comme je vous aurais dit autre chose… comme je vous aurais dit… n’importe quoi… Je suis une vieille bête… Il ne faut pas m’en vouloir… il ne faut pas surtout en parler à Madame… C’est vrai, pourtant, si quelqu’un nous avait vus, dans le jardin ?…

Je me sauvai pour ne pas rire.

Oui, j’avais envie de rire… Et, cependant, une émotion chantait dans mon cœur… quelque chose — comment exprimer cela ? — de maternel… Bien sûr que Monsieur ne me plairait pas pour coucher avec… Mais, un de plus ou de moins, au fond qu’est-ce que cela ferait ?… Je pourrais lui donner du bonheur au pauvre gros père qui en est si privé, et j’en aurais de la joie aussi, car, en