Page:Mirbeau - Le Journal d’une femme de chambre.djvu/105

Cette page a été validée par deux contributeurs.

Voyant Monsieur rire, le père Pantois crut qu’il était convenable à lui de rire aussi… et il répondit, gaillard :

— Ha !… ha !… ha !… J’en ai même jamais vu de ces sacrés billets-là !…

— Eh bien alors… à dimanche !… conclut Monsieur.

Monsieur s’était versé un verre de cidre et il trinquait avec le père Pantois, lorsque Madame, qu’on n’avait pas entendu venir, entra brusquement, en coup de vent, dans la cuisine… Ah ! son œil en voyant ça… en voyant Monsieur attablé auprès du vieux pauvre, et trinquant avec lui !…

— Qu’est-ce que c’est ?… fit-elle, les lèvres toutes blanches.

Monsieur balbutia, ânonna :

— C’est des églantiers… tu sais bien, mignonne… des églantiers… Le père Pantois m’apportait des églantiers… Tous les rosiers ont été gelés, cet hiver…

— Je n’ai pas commandé d’églantiers… Il n’y a pas besoin d’églantiers ici…

Cela fut dit d’un ton coupant… Puis elle fit demi-tour, s’en alla en claquant la porte et proférant des paroles injurieuses… Dans sa colère, elle ne m’avait pas aperçue…

Monsieur et le pauvre vieux arracheur d’églantiers s’étaient levés… Gênés, ils regardaient la porte par où Madame venait de disparaître… puis ils se regardaient, l’un l’autre, sans oser se dire