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vous entendez, pour le voler… Je pensais, je croyais que le petit gardeur de vaches avait sur lui des bijoux, une montre en or, un portefeuille bourré de billets de banque, des actions de chemins de fer, des…

Le juge m’interrompit et poliment il prononça :

— Cela suffit…

Puis se tournant vers le greffier qui curait ses oreilles, et rongeait ensuite ses ongles avec obstination :

— Écrivez, commanda-t-il… J’avoue que c’était pour le voler que j’ai assassiné le petit gardeur de vaches…

Le lendemain, les journaux qui, jusque-là, avaient parlé avec colère de mon endurcissement, louèrent, en termes ineffables, le juge de sa merveilleuse sagacité.

Messieurs les jurés, je m’adresse à vous qui êtes des âmes simples, à vous qui n’avez pas été élevés dans les couloirs sombres des geôles, et dans les louches réduits des palais de justice. Je vous raconterai, sans phrases, naïvement, sincèrement, comment je tuai le petit gardeur de vaches, et vous me jugerez ensuite, selon mes œuvres et selon votre conscience.

Encore un mot.

Quelques honnêtes gens, grands défenseurs de l’autorité et de ses symboles, partisans im-