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femme. Femme, voilà son seul crime ! Femme, c’est-à-dire un être obscur, insaisissable, un malentendu de la nature auquel je ne comprends rien. Et ses griefs sont les mêmes à mon égard. Elle me reproche uniquement d’être un homme, et de ne me pas plus comprendre que je ne la comprends. Car, en vérité, je ne la comprends pas. J’ai sondé tous les mystères de la vie ; j’ai arraché leur secret à bien des êtres avec qui je n’ai rien de commun, dont le langage et les habitudes diffèrent des miens autant que la chenille diffère de l’alouette. Ce que cherche le chien, ce que veut le chat, observateur et démoniaque, où va l’effrayant corbeau, je le sais. De la femme, je ne sais rien, rien, rien. Je n’entre pas plus en elle que dans l’âme d’un dieu, dans le rêve d’une anémone marine.

— Ah ! pourquoi n’as-tu pas un front de cristal ? disais-je à ma femme… Je verrais le mécanisme prodigieux de ton cerveau, je surprendrais le fonctionnement affolant de ta pensée. Tu ne serais plus pour moi l’inexplicable et vivante image que tu es… Et puis, qui sait ?… avec délicatesse, au moyen d’une fine pointe d’or, comme un horloger corrige le mouvement d’une montre, je pourrais peut-être te régler à ma fantaisie.

Et elle me répondait :