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remarquée. En effet, elle lui ressemblait. Elle sortait de l’herbe, trapue, basse, sans branches. Elle était couverte d’une écorce fendillée, noircie, déchirée, comme ses vêtements. Des nœuds, des bosses la terminaient par le haut. Quelque chose de tordu et de plus lisse lui faisait comme un visage, comme son visage. Véritablement, dans cette partie écorcée du bois, on distinguait des yeux ricanants, une bouche plissée, un nez obscène. Lui… lui… lui ! Et j’avais beau savoir que ce n’était là qu’une trogne d’osier, je ne pouvais m’empêcher de trembler, moi aussi. Un moment même, je crus que c’était lui, que le gouffre l’avait rejeté. Et l’hallucination fut si forte que je me précipitai, les poings levés sur la trogne, en criant :

— Va-t’en !… va-t’en !…

Mais je reconnus vite mon erreur. Et, me tournant vers Marie, dont le chapeau était tombé à terre, dont les cheveux dénoués couvraient les épaules d’un emmêlement doré, je hurlai… oui, en vérité, je hurlai :

— Viens ici !

Marie s’avança, droite, les yeux fixes, vers la trogne immobile.

— Tu vois !… ce n’est pas lui…

Et, d’une voix plus rauque :

— Mais, si tu veux le voir… regarde dans le