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— Oh ! non. Je suis venue avec… je ne sais pas…

Et elle regarda autour d’elle, d’un regard morne, d’un regard qui ne voyait rien, ni le ciel, ni le coteau, ni la tourbière, ni elle-même.

Je cherchai une place molle et douce où nous asseoir tous les deux, où nous étendre au besoin.

— Qu’est-ce que tu regardes ainsi ? demandai-je à Marie.

— Rien, dit-elle.

Elle était tremblante, un peu, mais pas plus qu’à l’ordinaire ; pas plus que quand elle était chez moi, dans ma chambre ; pas plus que lorsque j’étais chez elle, le soir sous la lampe de famille.

Nous nous assîmes, côte à côte, non loin du trou, sur un épais tapis d’herbe.

— Tu m’aimes beaucoup, Marie ?

— Je ne sais pas !

— Tu ne sais pas ?… Alors, pourquoi t’es-tu donnée à moi, comme ça, tout de suite, sans résistance ?

— C’était plus fort que moi.

— Est-ce que tu me hais ?

— Je ne sais pas !

D’un geste lent et peureux, elle me désigna le trou qui s’ouvrait très noir, entre les mou-