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VII

Voici exactement trois mois aujourd’hui que Marie s’est donnée à moi, dans les circonstances étranges, surhumainement tragiques que j’ai dites. Et elle m’aime, elle n’a pas cessé de m’aimer, comme elle m’aima le soir où elle se livra, corps et âme, à mes luxures, sur les nocturnes marches du petit calvaire. La femme qui me haïssait d’une haine si furieuse, qui non seulement me haïssait, mais encore me méprisait d’un mépris infini, que je dégoûtais d’un irréparable dégoût, est devenue brusquement une créature d’amour, est devenue l’amour avec tous ses emportements de désir, ses vibrants éclats de passion, mais aussi avec ses souplesses, ses servilités, ses curiosités qu’on ne peut pas assouvir. De volonté — elle si volontaire — elle n’en a pas d’autre que la mienne. Elle veut ce que je veux et fait ce que je dis sans se demander, une seule minute, si c’est bien ou si c’est mal, et où cela peut la conduire. Elle n’hésiterait pas à commettre un crime, si je lui en exprimais le désir, même par un simple regard. Mes duretés, mes cruautés ne la rebutent jamais. Au contraire, elle semble y puiser plus d’exaltation. Elle semble aussi reconnaissante des coups dont, parfois, sans rai-