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Je m’étais rapproché d’elle, si près d’elle, que ma poitrine frôlait la sienne, que ma tête frôlait la sienne.

— Vous l’avez tué ! Vous l’avez tué… vous…

Je lui fermai la bouche d’un baiser.

Et il me sembla qu’elle défaillait dans mes bras, sous mon baiser…

— Non… non… monsieur Georges. Ce n’est pas possible… vous savez bien… Laissez-moi !

Et, à chaque parole, haletante, entrecoupée, elle s’abandonnait davantage. Et ses mains se crispaient, s’accrochaient à mes bras, à ma taille, à mes épaules. Sa poitrine battait, ses tempes battaient, ses dents s’entre-choquaient :

— Vous… l’avez… tué !…

Sa voix était comme un soupir… comme un spasme…

Sans résistance, je l’entraînai hors du village. À cinquante mètres, il y avait, dans un renfoncement de la route, une sorte de petit calvaire planté sur quatre marches de pierre… Je l’assis sur les marches… Je m’assis auprès d’elle…

— Marie !… ma petite Marie !…

Elle m’entoura de ses bras, laissa tomber sa tête sur ma poitrine.

— Mon Dieu !… mon Dieu !… mon Dieu !… fit-elle…

Ah ! quand j’y repense !…