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mes propos de galanterie. À toutes les offres que je lui avais adressées, et j’étais allé, un soir, jusqu’à la demander en mariage, elle avait répondu par un « non » tellement violent qu’il abolissait même l’espérance… qu’il abolissait, à jamais, l’espérance de la conquérir, un jour… Par un crépuscule d’hiver, très sombre, une fois que je rentrais de la chasse, je la croisai dans la ruelle et lui barrai la route.

— Bonsoir, Marie, lui dis-je.

— Passez votre chemin ! dit-elle.

— Voyons, Marie, pourquoi me repousses-tu ?

— Laissez-moi tranquille…

— Je te désire… je te veux… et je t’aurai…

— Jamais…

— Marie, insistai-je, la voix un peu tremblante de colère… je te veux… et je t’aurai !

Je voulus la saisir par la taille, l’attirer à moi, attirer à moi sa chair que je sentais ferme sous ma main, ferme et splendide, et brûlante aussi, et glacée, et pétrie de parfums de femme comme je n’en avais pas encore respiré et qui me grisaient.

Elle se dégagea vite de mon étreinte, et d’une poussée rude elle m’envoya rouler dans la ruelle, si fort que mon fusil, en tombant, se brisa en deux, et, moi-même, je me luxai le poignet.