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ministratifs, bien soumis à toutes les formes de l’autorité, tâchant de refréner mes impatiences et de faire taire ces révoltes, évidemment ataviques, qui, depuis une heure que j’attendais, recommençaient à gronder en moi, et dont je rougis que la civilisation républicaine, non moins que la constante pratique du suffrage universel, n’aient point encore aboli les barbares vestiges. Oui, je m’efforçais de faire taire ces révoltes, car ne doutez pas un instant que je ne sois cet inénarrable, cet ovin et bovin personnage de comédie — allez ! allez ! moquez-vous ! — qu’on appelle un brave électeur, un honnête contribuable français, et que la France qui possède, de ce bipède, les plus parfaits exemplaires, est, à juste titre, si fière de montrer aux étrangers turbulents.

J’attendais donc l’omnibus, ayant le numéro : 364.998, un joli numéro, n’est-ce pas ? et grâce auquel je risquais, si je m’obstinais à attendre — et je m’y obstinais crânement, — de n’arriver à mon rendez-vous que dans un mois ou deux. Avec l’admirable système des Compagnies de transports parisiens, lesquelles ne transportent guère que trois sur cent des personnes qui demandent à être transportées, on a vu de ces choses surprenantes. On a vu fréquemment ceci : des rues, vers lesquelles on allait, démolies et reconstruites durant l’espace