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vis pareil désordre. Les plates-bandes, les planches, picturées, jamais rajeunies par la bêche ou l’humble binette, offraient l’indescriptible spectacle de plantes emmêlées les unes dans les autres, au point qu’il était impossible de les reconnaître. Et tout cela, jauni, roussi, jonchant la terre dure, disputant aux herbes folles le peu de fraîcheur resté dans le sol brûlé par le soleil.

— Ah ! vous allez rire, me dit le père Hortus…

Il s’arrêta devant une planche, se baissa, écarta quelques tiges séchées de phlox.

— C’est là ! fit-il. Ah ! c’est un concombre impayable que le concombre fugitif !… À le voir, il n’a rien de particulier… Mais dès qu’on veut le prendre… il fiche le camp… il s’en va au diable… impossible de le manier…

Le père Hortus cherchait toujours, à travers le lacis des tiges jaunies qu’il écartait d’une main brutale.

— Mais, je ne le vois pas, cet animal-là… Où est-il ?… Il est à se balader, bien sûr… C’est toujours la même chose… Quand on vient pour le voir, il n’est jamais là…

Et se tournant vers moi, il me dit :

— Est-ce curieux, tout de même !… Un concombre !… Attendons un peu, il ne va pas tarder à revenir…