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— Je crois que ça y est, me dit-il, en m’apercevant… Cette fois, je le tiens, le gredin…

Et, comme je paraissais intrigué par cet accueil, le père Hortus m’expliqua :

— Voilà… Moi, je n’aime que les plantes qui font des blagues… Seulement, je suis aussi rosse qu’elles… et je les embête… Savez-vous ce que je viens de faire ?… Je viens de féconder un hibiscus. L’hibiscus déteste la musique… Eh bien ! je lui joue du cornet à pistons, juste au moment de la fécondation… Ça l’embête, ça le dérange… ça le met en rage… ça lui fait perdre la boule… et il va se féconder de travers, c’est-à-dire qu’il va me donner des graines d’où sortira une espèce de monstre cocasse, qui sera un hibiscus sans en être un, qui sera une plante comme on n’en a jamais vu…

Je le félicitai vivement de ce procédé de culture et lui expliquai le but de ma visite.

— Moi, je n’ai pas ça, me répondit le père Hortus… ou du moins je ne sais pas si je l’ai… car j’ai un tas de plantes dont je ne sais pas le nom. Mais j’ai autre chose de bien plus curieux que tous vos sylphiums… c’est le concombre fugitif… Je vais vous le montrer…

Et il m’engagea à le suivre.

L’enclos était vaste, divisé en carrés rectilignes, et traversé par de larges allées herbues. Jamais, même dans un jardin abandonné, je ne